Le jour où

Mercredi, je me suis levée pas trop tard. Je bossais d’après-midi mais je voulais être un minimum lavée pour accueillir mon père.

Mon père qui prenait le lendemain l’avion pour partir vivre à quelques milliers de kilomètres.

Nous parlons de la destination, et je vois bien que son enthousiasme est bof bof. Certes, il va rejoindre la femme qu’il aime, mais les conditions de vie ne s’annoncent pas des plus roses. Il va poser ses valises dans un pays qui pourrait être formidable s’il n’était pas coincé entre deux zones occupées par des fanatiques.

Un territoire pollué par Boko Haram à à peine une trentaine de kilomètres de sa résidence. C’est pas critique mais c’est pas Courchevel au mois de février non plus.

Soit.

Je pense au pire sur la route du travail. Je pense à ce jour il y a dix ans où ma mère m’a téléphoné pour me dire que mon père était rapatrié en France. J’ai explosé en sanglot au simple mot « rapatrié » parce que j’en ai immédiatement conclu que son corps était criblé de balles et que je ne le reverrai pas vivant. Bon, en fait il avait glissé dans une flaque et était tellement cassé qu’il fallait le rafistoler ici. N’empêche que même avec ces explications, j’ai dû raccrocher au nez de ma mère et j’ai sangloté pendant 1/4 d’heure avant de pouvoir les rappeler.

Et donc je me pointe au travail. J’échange un peu avec les collègues et répond à quelques coms suite au post « requêtes » que j’avais programmé.

Il devait être un peu plus de 14h quand j’ai entendu que quelqu’un allumait la télé sur BFM TV. « Fusillade », « Attentat »… j’ai fini par me lever pour voir de quoi il s’agissait.

A moins d’avoir hiberné ces deux derniers jours vous savez bien de quoi il s’agissait.

J’ai été horrifiée, bien entendu. Mais pour être honnête, j’ai été horrifiée pour les familles qui ont été appelées. Les victimes, heureusement, ont eu peu de temps pour avoir peur. Recevoir ce coup de fil là, même quand on sait que c’est possible… quelle horreur.

Je pense aussi très fort à la dessinatrice qui, sous la menace d’armes de guerre, a ouvert la porte aux assassins. Elle raconte qu’elle a tenté de les mener au mauvais endroit puis qu’elle s’est réfugiée sous une table pendant le massacre.

Comment vivre après cela? Comment faire accepter à sa conscience qu’on n’a pas eu le choix?

13 commentaires

  1. Tu as raison, pour les familles c’est horrible. Pour cette femme, cette dessinatrice, c’est l’enfer. Je ne sais pas comment on peut faire après ça. Est-il seulement possible de continuer à vivre après ? Même en sachant qu’elle ne pouvait faire autrement, elle pensera toujours, je pense, à ce qu’elle aurait pu faire pour empêcher le massacre. 😦

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      1. Oui, bien sûr. De façon encore plus horrible je trouve. Cette personne, n’a plus le choix, elle doit vivre avec cette réalité atroce. Toute sa vie. Quelle tristesse.

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  2. ça donne juste envie de gerber. Tout ce gâchis de vies humaines, les victimes, leurs familles, amis mais aussi les survivants, ceux qui ont assisté à tout cela… Deux jours que la France entière est en deuil. Deux jours que je me sens mal, pas bien, l’impression d’avoir perdu de vieilles connaissances. Je crois que je me sentirai un peu mieux quand ils auront attrapé ces deux barbares, parce que ma grosse crainte à présent c’est qu’il y ait encore un massacre d’otages ou de forces de l’ordre au moment de leur arrestation.
    Perso je vais m’abonner, il faut que ce journal survive, et ça me rappellera mon jeune temps d’étudiante où je l’achetais de temps en temps…

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  3. C’est difficile de se reconstruire après des meurtres de sang-froid.
    C’est difficile de ne pas se laisser submerger par la haine.
    Je n’ose même pas imaginer le cheminement que les familles et l’entourage aura à faire…

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